Opinion

On devrait projeter dans tous collèges de France, toutes les médiathèques et centres culturels, ce film sobre, nuancé et profond sur la ferme de réinsertion de Moyembrie, en Picardie.

C’est tellement évident.

C’est tellement évident que ça ne peut que leur faire du bien, aux hommes que la vie a malmenés, qui ont manqué de père et de repères, se sont endurcis pour survivre et ont transgressé pour briller.

C’est tellement évident que pour rafistoler leur âme en lambeaux, calmer leurs angoisses, les ramener vers la confiance, leur inspirer un début de joie et de foi de vivre, il vaut mieux leur proposer d’être dehors, au grand air, avec un travail à faire, les mains dans la terre, en verdure, en gestes nourriciers, près des animaux, en respiration et en racines, que de les enfermer dans un placard sombre et solitaire, dans le fracas des portes métalliques et des cris de rage.

C’est tellement évident, et le film A l’air libre nous le montre sans l’ombre d’un doute.

Mais on préfère se dire que c’est l’autre, la justice. La punition des punis, l’affaiblissement des faibles. Alors qu’on commence à interdire la fessée dans les familles, l’inconscient de la société reste coincé dans l’Âge des ténèbres : donjons, pères sévères, tortures, viols, cris, chaînes, transformation systématique et inéluctable du mal en pis. Et ça coûte très cher. Mais voilà, c’est comme ça, on aime mieux comme ça.

Nancy Huston (Écrivaine)